ZEN-ETUDE

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"Les geants de la foret disparaissent en silence",

 Le Monde, 16/02/12
Propos recueillis par Laurence Caramel
 
Les tres grands arbres sont les premieres victimes de la deforestation, selon le professeur australien William Laurance
Le declin des tres grands arbres est observe a travers le monde. De nombreuses etudes documentent ce phenomene aux multiples causes. Specialiste des milieux tropicaux, William Laurance, professeur a l'universite James-Cook de Cairns (Australie), a recense ces travaux dans un article paru dans New Scientist du 28 janvier 2012.
Le chercheur met en garde contre la disparition de ces " cathedrales " dont dependent en partie l'architecture complexe des forets anciennes, la survie de nombreuses especes animales et la perennite des plus grands puits de carbone a la surface de la Terre.


Dispose-t-on de donnees suffisantes pour etablir un diagnostic global ?

Beaucoup d'etudes - en Amerique du Nord comme du Sud, en Afrique, en Australie, etc. - montrent que les tres grands arbres sont menaces. Partout, les geants de la forets disparaissent en silence.
L'exploitation forestiere est la raison la plus evidente mais il existe des causes plus insidieuses comme une plus grande vulnerabilite aux secheresses, aux tempetes, aux plantes invasives, aux maladies ou encore a la fragmentation des habitats. Le plus souvent, ces causes se cumulent. Il demeure plus difficile d'avancer des donnees sur des essences particulieres. Par exemple en Australie, nous savons que les pins kauri du Queensland (Agathis robusta) - qui atteignent 30 a 40 m a maturite - ont en grande partie disparu, mais nous possedons peu d'informations sur les " survivants " actuels.


Quelles sont les regions du monde les plus touchees ? 


Les forets tropicales et boreales - en particulier la Siberie et l'ouest du Canada - recoivent, si on peut utiliser cette image, un veritable coup de marteau sur la tete. Elles sont defrichees et exploitees a un rythme tres rapide.


Pourquoi ces "geants" sont-ils si importants ?


Ces arbres, dont la hauteur atteint plusieurs dizaines de metres, constituent les plus grands organismes vegetaux sur terre. Ils jouent un role ecologique essentiel. C'est autour d'eux que s'ordonne l'architecture des forets dont ils stockent la majorite du carbone. Avec leur imposante canopee baignee par le soleil, ils forment des greniers qui produisent des graines - une quantite tres importante qui permet a la foret de se regenerer de generation en generation -, des fleurs et d'autres aliments dont les animaux dependent pour leur survie. Ils abritent beaucoup d'organismes vivants qui trouvent refuge dans leurs troncs et leurs innombrables cavites.
Avec leur appetit insatiable pour la lumiere, les nutriments et l'eau que leurs racines peuvent aller chercher a de grandes profondeurs, ils dominent la competition que se livrent les autres arbres pour exister a l'ombre de leurs cimes. Oubliez les lions, les grands arbres sont les veritables rois de la jungle !


Comment expliquez-vous cette vulnerabilite particuliere ?

Peu d'especes ont la capacite genetique de developper des tailles gigantesques et il faut de longues periodes de stabilite ecologique pour qu'un tel arbre atteigne sa maturite. Certains specimens d'Amazonie ont entre 400 ans et 1 400 ans. En Amerique du Nord, des sequoias peuvent atteindre 3 000 ans. Or, cette stabilite necessaire n'est pas vraiment la caracteristique de notre epoque, marquee au contraire par des transformations tres rapides de l'environnement. Le changement climatique accroit cette vulnerabilite aux secheresses et aux feux.
En Amazonie, nous avons constate des taux de mortalite trois fois superieurs chez des tres grands arbres situes dans des parcelles isolees bordees de paturages. Les raisons ? Leur tronc, souvent etroit et rigide, resiste moins bien aux cyclones et les secheresses ont un impact plus marque du fait des terres a nu qui les entourent. Dans un sol plus chaud et plus sec, il leur est alors plus difficile d'aller puiser de l'eau dans le sous-sol.


L'impact du changement climatique est controverse. Certains scientifiques affirment qu'il pourrait avoir des effets positifs sur la croissance des arbres ?

Certaines etudes montrent en effet qu'un niveau plus eleve de dioxyde de carbone dans l'atmosphere stimule la croissance car les plantes utilisent le CO2 pour leur photosynthese. Cependant, nous avons aussi des preuves que la croissance des grands arbres, surtout dans les parties les plus chaudes de la planete comme les tropiques, souffre de l'elevation des temperatures. Car les arbres sont comme des animaux a sang froid : quand les temperatures augmentent, ils doivent bruler plus d'energie pour survivre et ils en ont donc moins pour grandir.


A quoi ressemblerait la foret sans ces " arbres cathedrales " ?

Ce serait un monde plus pauvre pour nous tous, avec des forets moins etendues et plus uniformes. Les vieux monstres laisseraient la place a des especes pionnieres a croissance rapide, capables de s'adapter a peu pres partout. La foret stockerait moins de carbone et les " arbres cathedrales " seraient un souvenir du passe.


Que faut-il faire pour les sauver ?

Il faut agir sur toutes les causes qui participent a leur disparition et commencer par arreter l'exploitation forestiere qui preleve en priorite ces specimens uniques. La lutte contre les plantes invasives et les nouveaux pathogenes doit aussi devenir une priorite. L'ouverture de routes dans les forets cree des breches qui favorisent l'avancee de ces envahisseurs jusqu'aux endroits les plus recules.
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Refuge de la biodiversite
30 % de la superficie terrestre sont recouverts de forets, ou se concentre l'essentiel de la biodiversite animale et vegetale.
44 % des forets sont situes en zone tropicale. Le massif amazonien occupe la plus grande superficie suivi par le bassin du Congo et l'archipel indonesien.
34 % des forets sont presents en zone boreale et 13 % seulement en zone temperee.
6,4 millions d'hectares par an en moyenne : c'est le rythme net de deforestation mondiale entre 2000 et 2005, selon les chiffres de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), fondes sur des observations par satellite.
Ils temoignent d'un recul accelere du couvert forestier par rapport a la periode 1990-2000. La bande tropicale est la plus touchee.
<http://www.lemonde.fr/web/journal_electronique/ouverture/0,0-0,1-0,0.html?aaaammjj=20120216&article_id=835737>



22/02/2012
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